Bonjour,

Pour les amateurs de monde virtuel 3D (suivez mon regard !!) ...

Bonne lecture
Fred

Lu sur Libération : La vie rêvée d'un avatar :

Saga Neverdie, alias Jon Jacobs, a acheté une station spatiale dans le jeu «Project Entropia» qu'il transforme en night-club pour faire venir vrais DJ et danseurs numériques.

www.realityport.com
www.project-entropia.com
www.tinaleiu.com
alterego.net

Depuis le 24 octobre, Neverdie est l'heureux propriétaire d'une fabuleuse station spatiale. Un impressionnant complexe construit sur le paradis minéral d'un astéroïde, avec 1 000 appartements, un mégastade, un night-club avec moult dance-floors. Il a mis le paquet pour s'arroger cet objet de convoitise, déboursant 100 000 dollars, un record pour l'acquisition d'un bien totalement virtuel. De fait, la station spatiale n'existe que dans Project Entropia (PE), premier MMORPG (jeu de rôle massivement multijoueurs) avec une économie basée sur l'argent réel (1).

Star underground. L'avatar prénommé Neverdie apparaît pour la première fois au début des années 80, dans la série Wizardry, jeux de rôle en 3D. Il écume ensuite Ultima Online, Might and Magic avant de migrer sur Everquest en 2000. «J'aime ces jeux parce qu'ils cherchent à créer une vraie réalité virtuelle, où les gens peuvent gagner leur vie en jouant, ce que je cherche à faire également dans ma vie réelle», explique Neverdie qui «jongle entre sa passion du jeu et sa carrière de star du cinéma indé américain». Dans la vie réelle, Neverdie sert de prête-nom à Jon Jacobs, comédien, chanteur, romancier, réalisateur de films underground 100 % do it yourself dans lesquels il joue un héros malgré lui (Hero, Lover Fool), un psychopathe (Promotheus Bound), un bandit de western (The Wooden Gun), un sorcier rock'n'roll (Lucinda Spell).

Dans sa vie virtuelle, il fait partie des premiers citoyens à échanger aux enchères sur e-bay des biens virtuels contre de l'argent réel (Libération du 24 juin). En 2000, il écrit un scénario basé sur son expérience de joueur pour Jean-Claude Van Damme : «Je lui avais parlé de mon idée d'un joueur appelé Neverdie qui gagnait sa vie en faisant commerce de biens virtuels.» Le projet tourne court : au même moment, Sony, développeur d'Everquest, commence à menacer de procès les joueurs qui se livrent à ces transactions illégales.

En 2003, Neverdie trouve enfin son sanctuaire virtuel et s'établit durablement sur Project Entropia. «Durant la première année, les prix des objets virtuels rares ont monté en flèche, les "überplayers" se sont retrouvés avec des armes et des équipements valant des milliers de dollars», fanfaronne Neverdie.

«My girl». Dans la vraie vie, Jon Jacobs est très amoureux de la princesse samoane Tina Leiu, star érotique et chanteuse qu'il initie à Project Entropia. «Je l'ai rencontrée à Venice Beach en Californie, j'avais les cheveux bleus et elle est venue vers moi. Elle s'est mise au jeu vidéo avec Project Entropia, j'étais vraiment étonné qu'elle aime ça à ce point, elle adorait acheter des fringues pour son avatar et chasser les monstres avec les garçons.» Tina devient une accro, et son alter ego virtuel, Island Girl, l'un des avatars les plus appréciés de Project Entropia. En 2004, il lui dédie la chanson Gamer Chick (la nana du gamer) avec le séminal refrain «My girl's a gamer chick/ I really love her so/ She always wants to play/ she never never says no.» Un tube dance qui tourne dans tous les juke-box de Project Entropia. Le clip, tourné dans l'univers du jeu, montre Neverdie en train de se trémousser au milieu d'une tripotée d'avatars en bikini, ou de chasser les monstres avec sa walkyrie Island Girl. Il devient la «première pop star de la réalité virtuelle» (dixit l'intéressé) : «Les filles me poursuivaient et m'envoyaient des baisers.» Gamer Chick caracole toujours en tête des charts (www.ifilm.com/ifilmdetail/2644157) dans les mondes virtuels mais la tentative de Neverdie d'en faire un hit dans la vie réelle (6 000 CD pressés) est un flop.

Parallèlement, les avatars Neverdie et Island Girl font leur premier pas au ciné dans Hey DJ ! produit par Jon Jacobs/Neverdie, un film sur la scène club de Miami qui retrace l'ascension météorique de DJ Hound Dog. «On nous voit, Tina et moi, jouer à un jeu vidéo pour mieux se connaître, après, on plane et on fait l'amour. Nous avons filmé Neverdie et Island Girl en train de combattre, pour le fun parce qu'on aime nos avatars.»

Une île, un astéroïde. Fin 2004, les développeurs de Project Entropia mettent aux enchères une île virtuelle, Treasure Island. Neverdie vend sans hésiter sa collection d'armes virtuelles et engrange 25 000 dollars, pas assez pour surenchérir sur la mise de Deathifier (un Australien de 22 ans) qui rafle l'île sur le fil pour 26 500 dollars, vente qui fait les grands titres dans la presse internationale et figure dans le Guinness Book des records 2006 comme le bien virtuel le plus cher jamais vendu.

Un drame pour le flamboyant Neverdie, qui subit une perte plus terrible encore dans sa vraie vie. Sa copine, Tina Leiu, meurt brusquement suite à une grippe. Les développeurs de Project Entropia ont construit le premier mémorial virtuel à l'intérieur d'un MMORPG pour honorer sa mémoire, un petit temple visité par des milliers de joueurs qui laissent des fleurs et des hommages, «c'était très touchant, mon coeur et mon esprit étaient désormais ancrés dans ce sol virtuel». Neverdie continue de se loger avec le pseudo de son amour disparu : «Je lui ai acheté un bout de terrain, j'essaie de la garder en vie dans PE».

Immobilier virtuel. Lorsque Project Entropia met aux enchères publiques la station spatiale, Neverdie est décidé à ne pas louper le coche. Mais, cette fois, ce sont les éléments qui se liguent contre lui. Alors qu'il est devant son ordinateur à Miami en Floride, l'ouragan Wilma menace. Impensable de risquer de perdre l'enchère pour un mauvais coup de vent. Dès les premières heures de la matinée, il met la barre au maximum, un million de PED (la monnaie de Project Entropia, soit 100 000 dollars), appuie sans hésiter sur «acheter» juste avant qu'un arbre tombe dans son jardin et coupe le courant. «C'est un bien immobilier virtuel extraordinaire, le potentiel de revenus est énorme.» Rien que les taxes sur la chasse et l'extraction minière devraient lui rapporter selon ses calculs (sur la base de 100 joueurs par heure) au moins 2 400 dollars par jour «Je ne suis pas un chasseur ou un artisan, ce sont les citoyens qui travaillent dur dans les mondes virtuels. Je suis très occupé dans ma vie réelle, je n'ai pas le temps de chasser six heures d'affilée.» Son nouveau statut de propriétaire devrait lui assurer un revenu des plus corrects.

Ambitions. Dès le lendemain, il s'est vu proposer le rachat de sa station pour le double du montant. Mais il refuse catégoriquement de vendre son astéroïde qu'il a baptisé officiellement Club Neverdie. Car Neverdie a de grandes ambitions pour sa station spatiale. Il promet d'en faire «le plus génial night-club virtuel de l'univers» avec de la musique streamée en live 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Ceux qui ne sont pas inscrits à Project Entropia pourront eux aussi en profiter en se connectant directement sur Clubneverdie.com. Il leur suffira de créer leur avatar et de débouler directement sur le dancefloor où ils pourront draguer, chater, danser. «On pourra gagner le nouveau CD de son DJ favori, trouver des pass VIP», développe Neverdie, chasser des monstres dans les biodômes ou se payer une virée en navette spatiale, toujours au son de la musique diffusée dans toute la station. «Ça coûterait 10 millions de dollars de construire un club pareil à partir de rien. Mais, même dans ce cas, il n'aurait pas le même potentiel parce qu'il n'existerait pas dans un univers virtuel où il y a des centaines de milliers de gens à divertir.»

Lui s'est entouré d'une équipe, a passé un accord avec un autre club en ligne (www.thewomb.com) pour proposer de l'audio et de la vidéo. «Je suis en train de démarcher les diffuseurs live, j'espère pouvoir booker au moins une fois par semaine un gros DJ, inviter les labels et artistes indépendants pour y promouvoir leur musique.» Neverdie sait que les maisons de disques surveillent son projet. «Le club permettra à l'industrie du loisir de se faire une place dans ces mondes virtuels et d'adapter leur offre.» Neverdie prépare activement le line-up de la grosse soirée d'ouverture du Club prévue pour début janvier. «Les DJ pourront jouer depuis chez eux ou même d'un hôtel s'ils sont en tournée. J'ai discuté avec Junior Jack, l'un de mes DJ de house favori, j'en ai parlé à Tiësto pour la soirée d'ouverture, je suis en contact avec Ferry Corsten et Carl Cox, ils étaient tous dans mon film Hey DJ !, je pense que, pour le lancement, j'aurais l'un des dix meilleurs DJ du monde.» Un club qui sera dédié à Island Girl. On y jouera souvent son hit ultime, To the Club.

(1) Pas besoin d'abonnement pour explorer la planète Calypso. S'il veut s'équiper, acheter des armes, un terrain, le joueur doit sortir la carte bancaire. La monnaie réelle (euros ou dollars), injectée via l'interface de paiement, est convertie en PED (project entropia dollar) avec un change fixe, 10 PED pour un dollar. A tout moment, les 340 000 inscrits peuvent reconvertir les PED gagnés dans le jeu en euros ou en dollars.

par Marie LECHNER